La ballade

 

La strophe y porte le nom de couplet et est (en principe) carrée :

8 vers de 8 syllabes
dont les rimes sont disposées ainsi :
ou
10 vers de 10 syllabes
dont les rimes sont disposées ainsi :
A
B
A
B
B
C
B
C
A
B
A
B
B
C
C
D
C
D

Le dernier vers de chaque couplet est un refrain constant.

La ballade comporte 3 couplets 1/2. Le 1/2 couplet final s'appelle envoi et commence par «Prince» ou un mot équivalent. Il correspond (en principe) exactement à la seconde moitié d'un couplet ordinaire :

B
C
B
C
    
C
C
D
C
D

Le demi-couplet se termine par le même refrain que les couplets.

Exemples :

Edmond Rostand (1868-1918), Cyrano de Bergerac      François VILLON (1431-?)

Ballade du duel qu'en l'hôtel bourguignon
Monsieur de Bergerac eut avec un bélître

Je jette avec grâce mon feutre,
Je fais lentement l'abandon
Du grand manteau qui me calfeutre,
Et je tire mon espadon ;
Elégant comme Céladon,
Agile comme Scaramouche,
Je vous préviens, cher Mirmydon,
Qu'à la fin de l'envoi je touche !

Vous auriez bien dû rester neutre ;
Où vais-je vous larder, dindon ?
Dans le flanc, sous votre maheutre ?
Au cœur, sous votre bleu cordon ?
Les coquilles tintent, ding-don !
Ma pointe voltige : une mouche !
Décidément, c'est au bedon,
Qu'à la fin de l'envoi je touche.

Il me manque une rime en eutre.
Vous rompez, plus blanc qu'amidon ?
C'est pour me fournir le mot pleutre !
Tac ! je pare la pointe dont
Vous espériez me faire don,
J'ouvre la ligne, je la bouche...
Tiens bien ta broche, Laridon !
À la fin de l'envoi, je touche.

ENVOI
Prince, demande à Dieu pardon !
Je quarte du pied, j'escarmouche,
je coupe, je feinte... Hé ! là donc
À la fin de l'envoi, je touche.

               Épitaphe Villon

Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Si frères vous clamons, pas n'en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous, puisque sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

La pluie nous a debués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis ;
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis,
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
À son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Prince Jésus, qui sur tous as maîtrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :
À lui n'ayons que faire ni que soudre.
Hommes, ici n'a point de moquerie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Dans la réalité littéraire, on constate que même chez les meilleurs écrivains, la règle du couplet carré n'est pas toujours respectée, et que selon les besoins, l'envoi peut comporter un nombre de vers légèrement différent du demi-couplet. Mais les autres éléments de la règle (rimes, refrain, etc.) sont très strictement appliqués.