Le sonnet

     Venu d'Italie à la renaissance, il a vite été mis à la mode en France, et doit obéir à des règles très exigeantes.

 
Disposition des rimes
 
Il se compose de 14 alexandrins (ou décasyllabes à la Renaissance) en 3 strophes : 2 quatrains et 1 sizain.
Il doit y avoir une opposition thématique entre les quatrains et le sizain.
Chaque strophe doit avoir une unité syntaxique (se terminer par une ponctuation forte) et sémantique (avoir un thème propre).
 
 
2 quatrains construits sur deux rimes (A et B) et dont le thème d'ensemble doit s'opposer à celui du sizain, mais chacun des deux quatrains doit avoir son unité sémantique (et syntaxique), et doit donc proposer un aspect différent dans le thème commun.
 
1 sizain réparti en 2 tercets et construit sur 3 rimes (C, D et E). Son thème doit s'opposer à celui des quatrains. Il est souhaitable de donner à chaque tercet aussi une unité sémantique.
 
Le 14e vers doit constituer une «pointe» ou une «chute», c'est-à-dire qu'il doit surprendre le lecteur au point de l'amener parfois à relire le poème d'un œil nouveau.
 
renaissance
A
B
B
A

A
B
B
A

C
C
D

E
E
D
classique
A
B
B
A

A
B
B
A

C
C
D

E
D
E

     De plus, il ne doit comporter aucune répétition.

Exemple : sonnet de Vincent Voiture (1597- 1648)
 
  
rimes
thèmes
syntaxe
Il faut finir mes jours en l’amour d’Uranie, 
L’absence ni le temps ne m’en sauraient guérir, 
Et je ne vois plus rien qui me pût secourir 
Ni qui sût rappeler ma liberté bannie.

 
A
B
B
A
4 rimes en -nie
4 rimes en -rir
mourir d'amour
sans secours
1 strophe = 1 phrase
Dès longtemps je connais sa rigueur infinie, 
Mais pensant aux beautés pour qui je dois périr, 
Je bénis mon martyre et, content de mourir, 
Je n’ose murmurer contre sa tyrannie.

 
A
B
B
A
mourir d'amour
avec joie
1 strophe = 1 phrase
Quelque fois ma raison par de faibles discours 
M’incite à la révolte et me promet secours : 
Mais lorsqu’à mon besoin je me veux servir d’elle,

Après beaucoup de peine et d’efforts impuissants, 
Elle dit qu’Uranie est seule aimable et belle
Et m’y rengage plus que ne font tous mes sens.
C
C
D

E
D
rimes en
-cours
-elle
-sants
La raison est-elle
un secours ?
1 strophe = 1 phrase
E Non

     Précisions sur le sonnet ci-dessus :
Rimes : la présence de 4 infinitifs à la rime est tolérée au XVIIe siècle.
Chute : elle propose une surprise, même si elle n'apporte guère de regard nouveau.
Syntaxe : l'unité syntaxique apparaît d'autant plus grande que l'écrivain a donné à sa phrase la dimension de la strophe.

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Ce que dit Nicolas Boileau-Despréaux au sujet du sonnet :

«[...]Apollon de son feu leur fut toujours avare.
On dit, à ce propos, qu’un jour ce dieu bizarre
Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois,
Inventa du sonnet les rigoureuses lois ;
Voulut qu’en deux quatrains de mesure pareille
La rime avec deux sons frappât huit fois l’oreille ;
Et qu’ensuite six vers artistement rangés
Fussent en deux tercets par le sens partagés.
Surtout de ce poème il bannit la licence :
Lui-même en mesura le nombre et la cadence ;
Défendit qu’un vers faible y pût jamais entrer,
Ni qu’un mot déjà mis osât s’y remontrer.
Du reste il l’enrichit d’une beauté suprême :
Un sonnet sans défauts vaut seul un long poème.
»

Dans la réalité littéraire, les écrivains ont souvent pris des libertés avec toutes ces règles, et parfois pour produire un effet calculé, mais ce qui rend toujours identifiable un sonnet même très irrégulier, c'est sa disposition en 2 quatrains et 2 tercets.