Nicolas
Boileau Despréaux a composé en 1674 un long texte en vers,
l'Art poétique, destiné à donner des conseils à tous les écrivains. Dans le Chant premier, il s'intéresse plus particulièrement au travail du vers. |
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La
rime : Quelque sujet quon traite, ou plaisant, ou sublime, Que toujours le bon sens saccorde avec la rime : Lun lautre vainement ils semblent se haïr ; La rime est une esclave, et ne doit quobéir. Lorsquà la bien chercher dabord on sévertue, Lesprit à la trouver aisément shabitue ; Au joug de la raison sans peine elle fléchit, Et, loin de la gêner, la sert et lenrichit. Mais lorsquon la néglige, elle devient rebelle, Et pour la rattraper le sens court après elle. Aimez donc la raison : que toujours vos écrits Empruntent delle seule et leur lustre et leur prix. |
La
clarté : Si le sens de vos vers tarde à se faire entendre, Mon esprit aussitôt commence à se détendre, Et, de vos vains discours prompt à se détacher, Ne suit point un auteur quil faut toujours chercher. Il est certains esprits dont les sombres pensées Sont dun nuage épais toujours embarrassées ; Le jour de la raison ne le saurait percer. Avant donc que décrire apprenez à penser. Selon que notre idée est plus ou moins obscure, Lexpression la suit, ou moins nette, ou plus pure. Ce que lon conçoit bien sénonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. |
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Le
rythme : Noffrez rien au lecteur que ce qui peut lui plaire. Ayez pour la cadence une oreille sévère : Que toujours dans vos vers le sens coupant les mots, Suspende lhémistiche, en marque le repos. La mélodie : Gardez quune voyelle à courir trop hâtée Ne soit dune voyelle en son chemin heurtée. Il est un heureux choc de mots harmonieux. Fuyez des mauvais sons le concours odieux : Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée Ne peut plaire à lesprit quand loreille est blessée. |
Le
vocabulaire et la syntaxe : Surtout, quen vos écrits la langue révérée Dans vos plus grand excès vous soit toujours sacrée. En vain vous me frappez dun son mélodieux, Si le terme est impropre, ou le tour vicieux ; Mon esprit nadmet point un pompeux barbarisme, Ni dun vers ampoulé lorgueilleux solécisme. Sans la langue, en un mot, lauteur le plus divin Est toujours, quoi quil fasse, un méchant écrivain. |
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Le
bon exemple : Enfin Malherbe vint, et, le premier en France, Fit sentir dans les vers une juste cadence, Dun mot mis en sa place enseigna le pouvoir, Et réduisit la muse aux règles du devoir. Par ce sage écrivain la langue réparée Noffrit plus rien de rude à loreille épurée. Les stances avec grâce apprirent à tomber, Et le vers sur le vers nosa plus enjamber. Tout reconnut ses lois ; et ce guide fidèle Aux auteurs de ce temps sert encor de modèle. Marchez donc sur ses pas ; aimez sa pureté, Et de son tour heureux imitez la clarté. |
Le
travail de rédaction : |