Le rejet et le contre-rejet

 

Ce sont deux cas particuliers de l'enjambement : ils ne portent pas sur deux vers dans leur intégralité, mais l'un des deux vers ne comporte qu'un fragment de la phrase. Ils obéissent donc au principe général de l'enjambement, c'est-à-dire une discordance entre la structure syntaxique et la structure du vers. Comme pour l'enjambement complet, la discordance peut jouer de façon interne au vers, par dessus la césure.

* Le rejet est une discordance par retard. L'effet produit est en général une mise en relief, avec souvent un effet de surprise.

rejet externe
rejet interne
Un élément bref au début d'un vers se rattache grammaticalement au vers précédent.

Mais tout n'est pas détruit et vous en laissez vivre
Un.
(Racine)
Et la machine ailée en l'azur solitaire
Volait,...
(Hugo)
      Un élément bref au début du second hémistiche se rattache grammaticalement à l'hémistiche précédent.

Les vents et les oiseaux s'unissent, le ciel change. (Éluard)

J'ai vu des archipels sidéraux et des îles... (Rimbaud)


* Le contre-rejet est une discordance par anticipation. L'effet produit est aussi une mise en relief, avec souvent un effet d'attente.

contre-rejet externe
contre-rejet interne
Un élément bref à la fin d'un vers se rattache grammaticalement au vers suivant.

Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L'automne
Faisait voler la grive à travers l'air atone.
(Verlaine)
      Un élément bref à la fin du premier hémistiche se rattache grammaticalement à l'hémistiche suivant.

Je meurs plus tard. Voilà tout le fruit de ma feinte. (Racine)

Lorsqu'Apollinaire supprime la ponctuation, il matérialise la prééminence du vers sur la phrase, de la mélodie sur la grammaire. Mais il supprime de ce fait les rares indications d'interprétation de la partition littéraire.