Les coupes

 

Ce qu'on appelle coupe n'est rien d'autre qu'une pause de durée variable selon l'intensité de cette coupe.
C'est la place des accents qui détermine les pauses, car elles interviennent naturellement entre les groupes de mots. Elles se situent donc juste après l'accent grammatical.

Coupes fixes et coupes mobiles
À côté de coupes fixes évidentes, comme la fin du vers, il existe deux mètres qui comportent une coupe fixe interne appelée césure. Elle sépare deux «moitiés» de vers appelées hémistiches qui peuvent à leur tour comporter des coupes mobiles.

Un alexandrin comporte deux demi-vers (hémistiches) d'égale longueur. Le décasyllabe comporte deux demi-vers inégaux : le premier hémistiche compte quatre syllabes et le second en compte six.
 

signifie demi-vers.

Place et intensité des coupes :

accent en fin de poème coupe définitive Le genre de la dernière rime peut prolonger le silence.
accent en fin de strophe coupe fixe très forte Le système des rimes donne sa tonalité à la strophe.
accent en fin de vers coupe fixe forte (sauf enjambement) La sonorité de la rime peut porter à prolonger la pause.
accent en fin d'hémistiche coupe fixe moyenne (sauf enjambement) Elle s'appelle césure et peut être atténuée, notamment dans un trimètre.
accents secondaires coupes mobiles légères (sauf ponctuation) Adaptable selon des critères d'interprétation rythmique, mais il est évident qu'une ponctuation forte peut rendre une coupe secondaire plus durable que la césure.

Variabilité des coupes secondaires dans l'alexandrin :

Binaire
Ternaire
Les groupes rythmiques de l'hémistiche peuvent être répartis en 2 mesures de

3+3 syllabes (isochrones)
Son regArd est parEil au regArd des statUes (Verlaine)

ou 2+4 ou 4+2 (en symétrie ou en parallèle)
Que ta puissANce, ô mOrt, est grANde et admirAble. (Ronsard)

ou même 1+5 ou 5+1
ONde sur qui les ANs pAssent comme des nUes


Ils peuvent aussi être émiettés en 3 à 6 groupes.
      Le trimètre 4+4+4 syllabes était déjà utilisé à l'époque classique, notamment dans la comédie, mais était rejeté par Boileau. Les romantiques l'ont mis à l'honneur, au point qu'on l'appelle parfois l'alexandrin romantique. Il offre un autre équilibre, une autre régularité.
[Je marcherai] [les yeux fixés] [sur mes pensées,] (Hugo)

Attention ! la création de deux accents de part et d'autre de la césure ne fait qu'affaiblir l'accent de la sixième syllabe de l'alexandrin sans le supprimer : la césure reste obligatoire et l'on doit pouvoir marquer une pause entre les deux hémistiches.
Je marcherai -/- les yeux -//- fixés -/- sur mes pensées,


Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour commencer à trouver des entorses à cette règle :
Elle peignait -/- ses cheveux d'or -/- je croyais voir (Aragon)

Effets rythmiques :

rythme progressif
rythme accumulatif

Ainsi / de peu à peu / crût l'empire romain (Dubellay)
Cela crée un effet d'amplification.
     
Le lait tombe : adieu, veau, vache, cochon, couvée. (La Fontaine)

La coupe principale ou césure :

La césure est la coupe obligatoire de l'alexandrin après la sixième syllabe, et du décasyllabe après la quatrième syllabe.
 
caesura
signifie action de couper, coupure, césure.
Même dans un alexandrin ternaire, même en cas d'enjambement interne, il était impensable que cette coupe ne soit pas scrupuleusement respectée, jusqu'à la fin du XIXe siècle.
  Ah! ma fille je suis / bien aise de vous voir
(Molière)
  J'ai disloqué ce grand / niais d'alexandrin (V. Hugo)

Le XXe siècle commence à traiter la césure comme une coupe secondaire :
Sont les ongles de cel-/-le que j'ai tant aimée (Apollinaire)
Attention !
L'accent obligatoire en sixième syllabe interdit qu'elle soit caduque. Ainsi, Racine ne pouvait pas commencer Athalie par :
          Je viens dans son temple -/- supplier l'Éternel.
Mais contrairement aux coupes mobiles, l'accent obligatoire en sixième syllabe ne peut être suivi d'une syllabe caduque non élidée. Ainsi, Racine ne pouvait pas non plus commencer par :
          Oui, je viens dans son tem-/-ple prier l'Éternel
Mais plaçant sa syllabe en élision, il a pu écrire :
          Oui, je viens dans son temple / adorer l'Éternel